Livre du mois

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Mara nous livre son choix de lecture pour ce mois d’automne : Les oiseaux de Tarjei Vesaas

Tarjei Vesaas était un écrivain norvégien assez prolifique, connu pour la dimension symbolique de ses œuvres et pour la présence puissante de la nature.

Les oiseaux (Fuglane en néo-norvégien) est un de ces derniers romans. Il s’inscrit dans une période de maturité artistique et se caractérise par un symbolisme évocateur. Le protagoniste est Mattis, un homme solitaire et simple, qui vit au contact de la nature et est considéré par les villageois comme quelqu’un qui n’est “bon à rien” – il ne travaille pas, il ne gagne pas d’argent et dépend de sa sœur Heg, force motrice du couple. Ils habitent dans une maisonnette au bord du lac, loin des autres. Cette position géographique est une des clés pour se rapprocher de Mattis et de son monde: il ne vit pas avec les autres parce qu’il ne vit pas comme eux ; sa façon de voir, de sentir, de percevoir ce qui est autour de lui, l’éloigne et l’exclut de tout le reste. Ses pensées se perdent derrière les choses les plus simples – les bonbons, le vol d’une bécasse, le bruit du tonnerre… mais à part ça, sa vie se passe sans trop de problèmes, grâce à sa sœur il peut se consacrer à la nature.

Ce sera un détail qui lui bouleversera sa vie. Un matin, il réalise que la bécasse a changé sa trajectoire. Un fait apparemment insignifiant pour les autres qui déclenchera une série d’événements dans le quotidien de Mattis…

Comme on peut le voir, l’histoire est assez simple et les spécificités du roman sont à chercher ailleurs, premièrement dans le langage. Les mots ont une grande importance et Mattis le sait, donc il les utilise avec précaution – il sait que certains mots peuvent blesser. Il y a un problème de communication avec les autres, pas avec les oiseaux ou la nature parce qu’ avec sa simplicité et sa solitude, il voit plus en profondeur, il sent et aperçoit la force invisible qui peuple le monde. La question du langage concerne toute l’œuvre car Vesaas s’exprime dans un style dépouillé, essentiel qui arrive au cœur des choses – et de la nature.

Le deuxième aspect à souligner est le symbolisme: c’est impossible de séparer l’homme et l’oiseau, Mattis et la bécasse: ils partagent le même destin. Ainsi, elle change son vol et s’éloigne de son groupe, de la même manière le protagoniste est à l’écart de la société; les deux s’envolent au-dessus des autres et du monde entier.

Vesaas, maître d’un humanisme qui pose le regard sur les outsider, ceux qui sont à l’écart de la société, nous fait don d’une œuvre émouvante et poétique, dédiée à l’ insaisissable pour nous rappeler l’importance du contact avec la nature, la beauté et l’essentiel.